Business Models
Internet est présent depuis environ 30 ans dans nos vies et a transformé de nombreux business. A l'origine, bien que créé par des universitaires, les premières sociétés à avoir investi sur ce nouveau média pouvaient inventer de nouveaux model pour rentabiliser leur business. 30 ans plus tard, on se rend compte que la majorité des business sur internet ont adopté un des models de monétisation assez classiques qui font la force d'internet.
Bien qu'il soit encore possible de créer de nouveaux models et que des sociétés s'y essaient chaque année, connaitre ces classiques est impératif pour tout dirigeant. Ces entreprises évoluant de plus en plus autour d'actifs technologiques à construire par des experts Tech & Produit, il est crucial que ces experts aient une connaissance fine de ces models pour épauler leur Comité de Direction
Terminologie
- B2B
- Le Business 2 Business est le fait pour une entreprise de vendre des produits ou des services, quel qu'ils soient, à une autre entreprise. C'est un modèle très classique qui recouvre de nombreux cas.
- B2C
- A l'inverse du B2B, une entreprise en Business 2 Consumer va vendre des produits ou des services à des particuliers. C'est un modèle plus rare (bien que plus souvent visible) car il peut nécessiter des investissements plus importants pour une marge plus faible.
- B2B2C
- Le Business 2 Business 2 Consumer est un cas plus spécifique et plus rare que le B2B. On le retrouve souvent dans les logiques de plateformes ou de marketplace : une entreprise vend ses technologies à une autre qui va l'utiliser pour toucher ses consommateurs ou ses clients. Dans ce cas, le client et l'utilisateur peuvent être des personnes différentes sur certaines parties du produit.
- Ads
- C'est la traduction littérale de "Publicité". C'est un des tout premiers business models qui a fait décoller l'usage d'internet, notamment pour des medias. C'est en général une entreprise qui veut faire la promotion de son produit à une cible présente sur le site d'une autre entreprise.
- Affiliation
- C'est un cas spécifique de la pub dans lequel l'entreprise qui présente son produit ne va rémunérer l'entreprise qui le présente que si une vente est ensuite réalisée. Le taux de conversion est plus bas que pour le clic sur une publicité mais la rémunération est beaucoup plus importante
- SaaS
- C'est le fait de vendre l'accès à un logiciel et non pas le logiciel lui-même. En règle générale, quand on achète une licence d'un logiciel SaaS, on obtient le droit d'accéder à ce logiciel qui sera alors hébergé par l'éditeur de ce logiciel. Cette mécanique permet de ne pas avoir à se soucier d'héberger cette application et permet en théorie d'être plus souple quant à son usage : quand on n'a plus besoin d'avoir accès à ce service, on se désabonne.
Ads
C'est probablement le business model scalable le plus ancien sur internet. Il hérite de ce même type de business model qui prédatait internet avec des publicités dans les différents médias : télévision, radio, presse écrite. Il est, de prime abord, assez simple à comprendre : vous avez des gens qui viennent sur votre site (ie : du traffic) et vous souhaitez monétiser ce trafic. Vous affichez alors des encarts de publicité sur différents espaces de votre site et vous êtes rémunérés en fonction du nombre de vues (au CPM : Coût Par Mille vues) ou de clics (au CPC : Coûts par Clic).
Ce business model a été fortement utilisé à la fin des années 90 et dans les années 2000, au point que les utilisateurs se sont détournés de ces publicités en installant souvent des bloqueurs de pub (adblockers) qui leur permet de ne plus les voir. De plus, les marques qui veulent mettre en avant leurs produits ont compris que de la publicité de masse avait certes un impact sur leur notoriété mais pas d'impact direct et facilement mesurable sur leurs ventes. Elles se tournent donc de plus en plus vers des publicités qu'elles ciblent sur différents critères : par géographie, par âge, par catégories socioprofessionnelles, ...). Pour réaliser ces ciblages, les sites qui souhaitent monétiser leur audience doivent donc disposer de tout ou partie de ces informations. Comme ce n'est pas toujours possible pour eux, ils passent donc par des régies pub qui vont s'occuper de croiser les données entre différents sites pour catégoriser les utilisateurs.
Dans ce business model, les métriques principales à suivre sont assez classiques :
- le trafic : on peut le visualiser avec des représentations comme le DAU (Daily Active Users), le MAU (son pendant mensuel), le nombre d'utilisateurs uniques, le nombre d'utilisateurs qu'on peut cibler, ... Dans tous les cas, on cherche à connaitre le montant du "stock" d'utilisateurs qu'on doit arriver à monétiser.
- le CPM ou CPC moyen : c'est le prix moyen auquel on va monétiser un utilisateur. Pour le CPC moyen, c'est un calcul entre le CPC des campagnes de pub qui tournent et le nombre de clics par campagne.
- la marge : c'est ce qu'on obtient en retranchant les coûts d'acquisition (ce qu'on paie pour obtenir ce trafic) aux revenus (ce qu'on est payé pour ce trafic)
Quand on dépend principalement de ce business model, on suit en général beaucoup d'autres métriques plus précises pour bien comprendre son trafic et comment on peut l'optimiser mais, globalement, ces 3 métriques sont celles qui vont être suivies à haut niveau.
Attention, ce business model est fortement instable, paie peu par utilisateur et dégage des marges qui se réduisent avec le temps. Il se réserve de plus en plus aux sites à fort trafic qui utilisent ce business model en complément d'un business model en B2C. Il est néanmoins encore le pilier de nombreuses très grosses sociétés : Google, Meta, ... et est souvent le levier principal des réseaux sociaux.
Ce business model nécessite souvent des bonnes compétences techniques pour s'interfacer avec les différentes régies pub, les brokers de data, les tiers de confiance pour compter les clics ou les vues, ... L'écosystème est assez pléthorique avec de plus en plus de sociétés dont le métier est de simplifier les aspects techniques pour tous les sites dont les équipes techniques sont restreintes voire inexistantes.
Le e-commerce
C'est assurément le tout premier business model qui a dû apparaitre sur internet dans les années 90 : vendre des produits directement depuis un site. On a pendant quelques années parlé de e-commerce pour ce qui se vendait via un ordinateur et de m-commerce pour ce qui se vendait depuis un mobile mais cette distinction ne s'entend plus trop aujourd'hui où la majorité des ventes se fait via mobile.
Le ecommerce permet de vendre des biens soit en B2C, soit en B2B, soit même pour ces 2 populations pour une part grandissante des vendeurs. Ce business model est un gros consommateur d'Ads mais du côté annonceur et beaucoup moins du côté vente d'espaces. Ce sont souvent ces ecommerces qui ont poussé pour des ciblages de plus en plus précis pour s'assurer que leurs publicités avaient un impact direct et mesurable sur leurs ventes. Lancer ce type de business va donc nécessiter un esprit analytique fort pour jongler entre différentes campagnes de communication ciblées et, ainsi, développer une activité à marge positive.
Dans la majorité des cas, cette activité ne nécessite que peu de compétences techniques : de nombreuses plateformes (Shopify, WooCommerce, ...) proposent des outils tout faits pour gérer son e-commerce sans avoir à lire ou écrire la moindre ligne de code.
Pour les ecommercants, les principales métriques à suivre sont :
- le trafic et son coût : c'est la principale métrique à suivre pour ce type de business. Sans trafic, un site de vente n'a quasiment aucune chance de fonctionner (hors cas très particuliers). À l'inverse, un site qui aurait un trafic très important mais en maitriser le coût risquerait de ne jamais arriver à être rentable. La péréquation entre volume et coût est le travail quotidien le plus crucial dans ce type de business
- taux de conversion : on peut le représenter sous différentes formes du taux de mise en panier, au taux d'abandon panier, au taux de commande, ... Le travail des équipes Produit et Growth Marketing est de comprendre le tunnel de conversion d'un utilisateur qui arrive sur le site et qui doit faire son premier achat. Tous les points de friction doivent être étudiés pour être limités. Ce taux de conversion a un impact crucial sur la capacité de ce type de business à atteindre la rentabilité.
- taux de returning ou de récurrence : dans ce type de business, acquérir un utilisateur peut coûter très cher et plusieurs commandes peuvent être nécessaires pour rentabiliser ce coût d'acquisition. Être capable de faire revenir un utilisateur est donc crucial dans de nombreux business de vente. Certains ecommerces se spécialisent même dans ces achats récurrents : box (bijoux, bière, ...), produits du quotidien (vêtements, couches, ...).
SaaS B2B
Ce business model vaut pour les entreprises qui vendent un logiciel à d'autres entreprises. C'est ce business model dont on parle le plus actuellement avec des entreprises qui grandissent souvent très vite comme Slack, Algolia, Qonto, ... On peut néanmoins différencier 3 grands types d'acteurs :
- Le SaaS petit panier pour des quelques collaborateurs de l'entreprise : chaque utilisateur ou client va rapporter quelques euros ou dizaines d'euros par mois à l'éditeur. Dans ce genre de cas, l'éditeur va souvent avoir des coûts d'acquisition bien supérieurs au chiffre d'affaires du premier mois mais va compter sur un effet de captation pour garder ses utilisateurs le plus longtemps possible et ainsi augmenter leur LTV : la Long Term Value. En plus de cette LTV pas toujours simple à calculer (et qui nécessite donc que des utilisateurs quittent le service pour connaitre leur vraie LTV ce qui n'est jamais souhaitable), on se base beaucoup sur des métriques d'usage (DAU, MAU, ...) et de rétention (taux de désabonnement par exemple). Dans ce type d'organisation, ce sont surtout les équipes de Growth Marketing qui ont la responsabilité de l'acquisition des nouveaux clients via des canaux automatisés : search ads, social media, SEO, ... Il est en effet trop cher de dédier une personne physique (ie : un Sales) à une vente qui ne va rapporter que quelques centaines d'euros par an au mieux. Figma est un exemple parfait de ce type d'organisation : un prix par utilisateur faible, une récurrence d'usage importante et un nombre d'utilisateurs restreint dans l'entreprise (les équipes Produit en général). Pour des équipes Techniques, on peut parler d'outils comme GitHub Copilot ou des solutions d'hébergement de code source. En dehors de ces équipes, on peut citer des outils comme Qonto ou Spendesk pour la gestion financière, des ATS (Application Tracking System) comme Lever ou Recruitee pour des fonctions RH, ...
- Le SaaS petit panier mais pour tous les collaborateurs de l'entreprise : là aussi, chaque utilisateur ne va rapporter que quelques euros ou dizaines d'euros par mois à l'éditeur mais le nombre d'utilisateurs dans une entreprise est bien plus important. De surcroit, quand l'entreprise cliente grandit, le nombre de licences suit la courbe des embauches. Ces entreprises ont donc tout intérêt à se focaliser dans un premier temps sur les entreprises en croissance comme les startups. Ainsi, leurs coûts d'acquisition initiaux seront d'autant plus rentabilisés que leurs clients vont grandir. On peut typiquement citer des outils comme Swile, Alan ou Payfit pour des besoins RH, Slack, Teams, Notion ou encore Google Workspace pour de la communication interne, ... En règle générale, ces entreprises accèdent beaucoup plus rapidement à un business de grands comptes : elles sont d'ores et déjà pensées pour équiper des entreprises complètes et plus seulement des départements. À partir de ce moment précis, elles vont en général ajouter des fonctionnalités dédiées aux grands groupes autour de la sécurité, de l'observabilité, des réglementations inhérentes à ces grands groupes, de la simplicité de gestion de flottes de licences, ... Et elles vont ainsi créer une segmentation dans leurs offres avec des offres plus simples et moins chères pour des petites structures et des offres plus complexes et plus onéreuses pour des grands groupes. Le premier marché est encore géré par les équipes de Growth Marketing alors que le second passe par de vraies équipes Sales (SDR, CSM, ...) pour des contrats de plusieurs centaines de milliers d'euros annuels. Dans tous les cas, les métriques autour de la récurrence d'usage sont primordiales pour assurer le renouvellement des licences et améliorer la rétention. Des métriques d'upsell peuvent aussi commencer à apparaitre pour valoriser le travail des CSM qui arrivent à convertir des clients vers des offres plus onéreuses
- Le SaaS gros panier qui peut rapporter de plusieurs centaines de milliers à plusieurs millions d'euros chaque année à l'éditeur. On parle en général d'outils assez spécifiques comme Mirakl qui propose des marketplaces, Algolia qui propose un moteur de recherche, DataDog pour des besoins de monitoring, ... Ces outils sont souvent au cœur de la stratégie des entreprises qui en détiennent une licence. Le taux de rétention doit donc être très important et doit justifier des efforts de vente exceptionnels tant en termes de durée du cycle de vente que de négociations spécifiques à de nombreux clients ou encore de développements spécifiques. Ces acteurs ont souvent des offres gratuites ou très peu onéreuses pour qu'elles puissent être testées lors de la phase de preuve de concept (pré Product Market Fit donc) de manière à commencer à capter le besoin d'un futur client et donc de simplifer la signature d'un futur contrat. Des métriques autour de la marge sont essentielles à ce type de business dans lequel le taux de récurrence d'usage ou de rétention ne sont pas des sujets majeurs. Dans ce type d'organisation, les équipes de Growth Marketing vont se concentrer à faire connaitre le produit (SEO, salon, case studies, ...) et donc à attirer des prospects (MQL : Marketing Qualified Lead) que des équipes Sales vont ensuite reprendre pour aller vers une vente.
SaaS B2C
Ce business model est souvent vu comme une espèce de Saint Graal pour de nombreux entrepreneurs à la recherche d'une taille de marché la plus importante possible. C'est par contre un business model très complexe à mettre en place car il nécessite :
- une proposition de valeur initiale très forte à même de convaincre un particulier de payer pour un service, souvent sous la forme d'un abonnement
- une récurrence d'usage elle-aussi très importante pour limiter l'attrition (le fait qu'un utilisateur résilie son compte) et donc maximiser la LTV
- un taux de satisfaction (mesurable via un calcul de NPS par exemple) très fort à la fois pour limiter l'attrition mais aussi pour démarrer un cycle de Referal Marketing dans lequel un utilisateur satisfait va inciter ses connaissances à utiliser voire à payer pour ce services elles-aussi.
- une source de financement importante : les coûts d'acquisition dans ce type de model sont sans celle en hausse sur des marchés saturés et l'ouverture d'un nouveau marché nécessite une évangélisation des utilisateurs qui a un coût très important à porter par une entreprise seule.
Dans les réussites récentes sur ce type de marché, on peut citer les entreprises de transport à la demande (Uber, Deliveroo, Blablacar, Dott, ...), le secteur du jeu vidéo mobile à forte récurrence d'usage, des néobanques (N26, Revolut, Lydia, ...) et surtout les services de streaming, (Deezer, Spotify, Netflix, ...). De nombreuses entreprises qui ont commencé sur ce segment du SaaS B2C ont toutefois tout ou partie changé de business model en cours de route pour se recentrer sur du B2B ou du B2B2C. En effet, soutenir une croissance B2C sur le long terme est fortement consommateur de cash et nécessite donc plusieurs grosses levées de fond avant d'espérer atteindre le point d'équilibre.
Sur ce type de marché, les métriques à suivre sont surtout liées à :
- l'acquisition de membres gratuits et payants avec un ratio entre ces 2 communautés à réussir à maintenir. Une des complexités de ce business model est justement d'avoir une bonne balance entre les fonctionnalités de ces 2 offres pour assurer la croissance de l'actif tout en maintenant un cap de rentabilité
- le taux d'attrition qui est responsable d'une diminution de la LTV d'un utilisateur et donc de sa rentabilité par rapport à son coût d'acquisition
- l'ARPU (Average Revenue Per User) qui est impacté par le taux d'utilisateurs gratuits, la rentabilité secondaire de ces utilisateurs (via de la pub ou du micro paiement à l'acte par exemple) et le type d'offre choisie par les utilisateurs payants
Dans ces entreprises, les équipes Tech & Produit ont souvent un poids considérable car la balance à maintenir entre ces différentes offres et les fonctionnalités à ajouter régulièrement pour satisfaire les utilisateurs conduisent à un travail important pour ces équipes.
Affiliation
Le dernier modèle principal que nous rencontrons actuellement sur Internet est en réalité un dérivé de la publicité. En effet, plutôt que de payer pour une mise en avant de leur marque ou de leur produit, certaines entreprises font le choix de payer leurs prescripteurs au succès. Le montant réglé est souvent nettement supérieur à celui d'une publicité classique (de quelques euros à plusieurs centaines d'euros) mais peut être pris intégralement dans la marge réalisée par cette vente. De cette manière, la rentabilité peut paraitre plus simple à atteindre en limitant les risques de dépenses qui iraient contre l'objectif de rentabilité avec des campagnes qui fonctionnent mal. Néanmoins, pour l'acheteur du lead, le volume de ventes généré par ce canal est souvent trop faible pour suffire à atteindre des objectifs de croissance forte. Il faut donc souvent compléter ce modèle par des campagnes de publicité plus classiques.
A l'inverse, pour les entreprises qui vendent ces leads, ce business model peut être extrêmement vertueux car il oblige à fournir des leads de plus en plus qualifiés à ses clients, en fournissant donc un service de plus en plus complet à ses utilisateurs. De plus, avec des leads de plus en plus qualifiés, le vendeur peut aller chercher de nouveaux partenaires prêts à payer davantage pour ce lead. La mise en concurrence des annonceurs qui est souvent difficiles à réaliser dans un contexte de publicité classique, avec toute la complexité qui s'est greffée à cet écosystème, peut s'opérer beaucoup plus simple dans un business model par lead.
Dans ce business, les métriques à suivre sont similaires à celles de la publicité mais avec une emphase plus importante sur le parcours de conversion qui peut être plus complexe et long pour bien qualifier le lead