Différents types de CTO : comment les appréhender ?
Embaucher un CTO est une étape clé pour de nombreuses entreprises, qu'elles soient encore à l'état de startup, qu'elles soient déjà des scale-ups ou qu'elles se développent à un rythme plus classique de TPE / PME. On lit en effet régulièrement que des compétences spécifiques sont nécessaires selon le contexte de l'entreprise :
- au lancement d'une activité, le CTO peut être vu comme un simple développeur, probablement le premier, à qui on donne un titre particulier pour commencer à façonner l'entreprise
- quand on atteint une première taille critique, le CTO devient un manager "hands-on". On lui confie la bonne santé d'un produit qu'il doit connaitre par coeur
- plus on grandit et plus on va demander au CTO de faire grandir son équipe et de "faire faire" au lieu de simplement "faire" tout en accompagnant la direction dans la vision et la stratégie de l'entreprise
En réalité, un vrai CTO doit être un créateur d'actif et un accélérateur de croissance pour l'entreprise. C'est ce qui le différencie le plus des autres rôles techniques dans une organisation : développeurs, data engineers, product owners, engineering managers, ... Ce rôle d'accélération est le même quelque soit la taille et le contexte de l'entreprise. Embaucher un CTO est donc d'une même importance quelque soit le type de l'entreprise ou sa maturité. En réalité, une entreprise plus jeune et plus petite a même tout intérêt à accorder encore plus d'importance à ce recrutement qui peut changer complètement la suite de son existence
Néanmoins, le rôle de CTO ayant pris une telle importance ces dix dernières années, il a été utilisé par de nombreuses organisations et recoupe donc de nombreuses réalités. L'objectif de cet article est donc de vous donner les clés pour comprendre face à quel CTO vous vous trouvez (dans votre organisation ou en entretien) et pour vous aider à mieux définir vos besoins.
Le CTO "premier dev"
C'est en général le premier développeur arrivé dans l'entreprise. Il est souvent jeune et ce titre représente en général sa première expérience en dehors d'un rôle purement de développement. Ce titre lui a été octroyé pour crédibiliser l'entreprise avec une personne derrière ce rôle clé. Avec son niveau d'expérience, ce CTO fait en général des merveilles pour créer le premier MVP : rapide, sobre et simple. Néanmoins, il est plus limité dans d'autres rôles dans lequel il devait être attendu :
- Définir la vision technique de l'entreprise
- Aider à créer un actif technologique fort
- Permettre une saine et rapide croissance de l'équipe technique
- Manager une équipe
- Gérer les liens avec des partenaires externes : CIR, sécurité, hébergeurs, ...
Si ce premier développeur a réussi à obtenir le titre de CTO, c'est très probablement qu'il l'a mérité et qu'il faut donc faire son possible pour le garder. Néanmoins, il faut savoir connaitre et comprendre ses attentes :
- veut-il rester dans son expertise technique voire l'étoffer ?
- veut-il développer une compétence en architecture ?
- souhaite-t'il vous aider à recruter une équipe ?
- est-il en attente de collaborer avec votre équipe Sales ?
- a-t'il envie de s'investir dans la construction de votre produit ?
Dans tous les cas, il aura besoin d'un accompagnement pour développer ces compétences sans faire perdre de temps à l'entreprise et sans mettre à risque ses autres missions. Cet accompagnement peut se faire par un coaching ponctuel comme j'ai pu le vivre de mon côté ou via un accompagnement plus poussé et plus spécifique pour l'aider à traiter certains sujets pour lui avant qu'il ne les maitrise pleinement.
Attention tout de même à ce profil junior qui va rapidement progresser et qui risque de se retrouver décorrélé du marché en termes de salaire si vous n'y prenez pas garde. Sa valeur sur le marché va augmenter rapidement et il risque de vouloir voir si l'herbe est plus verte ailleurs. Il faut donc rester à l'écoute des signaux faibles : baisse de motivation, télétravail de plus en plus régulier, manque d'implication dans la vie de l'entreprise, ... Ce CTO est souvent la mémoire d'une entreprise, il est donc compliqué de le perdre sans avoir bien anticipé et donc préparé son départ.
Le CTO "architecte" ou "expert technique"
C'est un expert dans son domaine technique et, bien souvent, il ne veut pas trop en sortir. Il est donc très compétent dans une partie des fonctions qu'on attend d'un CTO mais absent sur d'autres. On peut lui faire toute confiance pour que la plateforme soit d'une bonne qualité technique. Il se peut néanmoins qu'il fasse des choix trop complexes par moments pour satisfaire sa curiosité en tant qu'expert.
Dans ce type de profil, le grand absent, c'est souvent l'équipe. Celle-ci profite en général d'un bon niveau technique mais ne crée pas une culture commune qui sera nécessaire dans les moments difficiles. Mais le fait de peu manager son équipe n'est pas le seul manque de ce type de CTO :
- la définition de la vision globale de l'entreprise n'est souvent pas sa priorité
- la création d'un actif technologique n'est pas forcément corrélé aux attentes du marché
- le recrutement risque de se focaliser sur des profils similaires au sien et apportant donc peu d'air frais à l'équipe
Lorsqu'un CEO détecte ce type de profil, il doit rapidement déclencher une discussion avec lui pour comprendre ses motivations et ses envies. Si c'est vraiment l'attrait technique qui prime, il doit lui adjoindre un VP Engineering / Head of Engineering qui devra compléter ses compétences. Si il souhaite progresser vers un rôle moins centré sur la technique et avec une plus forte implication sur la stratégie de l'entreprise et la création de valeur, il peut le faire accompagner par quelqu'un qui serait passé par les mêmes étapes que lui : c'est souvent via des discussions avec des pairs reconnus que ce type de CTO va progresser le plus. Il pourra alors lui adjoindre un architecte dont la fiche de poste sera de reprendre petit à petit les tâches techniques du quotidien pour laisser du temps à son CTO pour développer de nouvelles compétences.
Le CTO "Manager"
Le CTO Manager peut aussi être appelé CTO Hands Off. Son travail n'est pas de faire mais de faire faire. Pour cela, il doit s'assurer que ses équipes fonctionnent dans les meilleures conditions possibles. Il est souvent très compétent pour mettre en place les bons process, les faire évoluer au gré des événements et faire adhérer ses équipes. En général, avoir un CTO Manager est plutôt une bonne nouvelle lors des Due Diligence des phases de levée de fond ou de M&A : il rassure ses interlocuteurs, est capable de produire la documentation nécessaire et prépare bien ses équipes aux nouveaux challenges qui vont se poser.
Attention, ce CTO Manager ne peut généralement pas s'épanouir dans des organisations trop petites : il a besoin d'au moins une dizaine de développeurs dans son équipe pour être assez occupé et justifier sa rémunération. De plus, il lui faut des relais techniques dans son équipe pour que l'entreprise ne stagne pas sur des techniques et des méthodes qui ne sont plus à jour et limitent donc les capacités de scale.
Dans cette catégorie de CTO, on retrouve aussi des DSI venant de plus grands groupes, publiques comme privés. Sa capacité à embrasser de nouvelles technologies ou de nouvelles méthodes de travail est donc souvent plus faible que pour des CTO plus junior. Dans certaines entreprises, ce conservatisme est une excellente chose qui permet de continuer à créer de la valeur sur un produit existant sans tout remettre en question régulièrement. Dans d'autres cas, quand le Product Market Fit n'est pas encore atteint par exemple, on devrait attendre plus de remise en question de la part de son CTO.
Le CTO "Leader"
Cette dernière catégorie est la plus rare bien que ce soit à ce profil qu'on pense quand on embauche un CTO pour la première fois. On attend en effet quelqu'un de charismatique sur ce poste, quelqu'un capable de transformer la vision de l'entreprise par ses connaissances techniques mais aussi par sa compréhension du marché. Néanmoins, ce CTO est assez rare car il nécessite de nombreuses années d'expériences, un parcours professionnel particulier et une dose d'innée propre à chacun.
Ce type de profil qui coche toutes ou quasiment toutes les cases attendues est aussi très rare car il est très fidèle. En effet, pour opérer à son meilleur potentiel, il a besoin de connaitre son marché, son entreprise, ses équipes, la vision de l'entreprise, ... Être a l'aise sur tous ces points demande du temps, souvent des mois. On trouve donc assez peu de CTO Leader disponibles sur le marché. Ils font aussi d'excellents fondateurs ou co-fondateurs et sont donc encore plus liés à leur entreprise que via un statut classique de salarié.
Si vous avez la chance de travailler avec un CTO Leader, faites ce que vous pouvez pour le garder : package, participation au capital, élargissement de son périmètre, délégation de pouvoirs, ... Sentir qu'il a un impact sur l'entreprise est souvent son principal attrait pour un poste.