Que doit-on attendre de son CPO ?
Après avoir détaillé ce qu’on est en droit d’attendre de son CTO, qu’en est-il du CPO, le Chief Product Officer ?
En préambule, il est important de noter que, tout comme le CTO, le CPO est un C-Level, c’est-à-dire un des membres clés d’une entreprise. C’est lui qui représente toutes les activités produit dans une entreprise. Dans la majorité des entreprises, le CPO aura la responsabilité d’au moins 2 équipes :
- Les Product Owner / Product Manager : bien que ces 2 métiers aient initialement des significations différentes et un rôle très complémentaire, ils sont souvent utilisés pour représenter le même rôle dans des entreprises jeunes : celui de représenter l’utilisateur. Leur objectif est donc de construire le meilleur produit pour répondre aux besoins des utilisateurs. Pour ça, ils vont passer du temps à comprendre ces besoins (phase dite de Discovery) avant de préciser les attendus du nouveau produit (phase de Conception), de suivre les étapes du développement (phases de Delivery et de Launch) voire de suivre l’évolution du produit en production (phase de Growth).
- Les Product Designers : ce sont des experts avec une double compétence en User Interface (UI) et en User Experience (UX). Ils sont responsables de la partie Design lors de la phase de Conception. Dans des organisations matures, ils travaillent main dans la main avec les PO/PM pour concevoir le meilleur produit possible
Étant un C-Level lui aussi, il partage une partie des attendus du rôle de CTO : participer à la création de la vision puis la diffuser tant en interne qu’en externe. Néanmoins, même sur ces points communs, le CPO diffère légèrement. On attend en effet de lui un élément clé dans les entreprises : une feuille de route ou Roadmap. Cette feuille de route est le document de travail principal du CPO. C’est ce qui définit à la fois son travail au quotidien et la déclinaison de la vision de l’entreprise sur plusieurs sprints, mois, trimestres voire années ! Lorsqu’il va participer à la création de la vision ou à son partage, le CPO est donc forcément attendu sur ce point de Roadmap. En cas d’évolution de la stratégie, il doit donc être capable de montrer son impact non seulement à long terme comme n’importe quel C-Level doit le faire mais aussi et surtout à court terme, dans le travail actuel des équipes. De ce point de vue, le CPO est encore plus dans l’opérationnel que n’importe quel C-Level de l’entreprise : les décisions qu’il prend ont un impact le jour même sur le travail de ses équipes et des autres équipes de l’entreprise !
Mais le travail du CPO ne se résume, heureusement, pas à ce travail méthodique sur sa roadmap !
Permettre l’éclosion de produits innovants
Créer un produit parait simple vu de l’extérieur : on a une idée, on la confie à un PO qui fait des stories puis à des devs qui la réalise ! Dans la réalité, le process est "un peu" plus complexe que ça ! Avoir une idée est la première étape et probablement la plus difficile. En effet, avoir une idée pertinente nécessite évidemment de bien connaitre son marché : ses utilisateurs, ses clients, ses concurrents, le contexte réglementaire, ses propres forces et faiblesses, … Le point qui est souvent oublié à cette étape est de permettre à chacun d’exprimer son idée : les bonnes idées ne viennent pas tout le temps du CEO ou du CPO ! Elles peuvent et doivent aussi venir directement des équipes qui sont au contact du produit, des utilisateurs, des clients, … Dans ce cas, faire des séances de brainstorming ou des "Sprint 0" semble être un bon point de démarrage mais n’est pas suffisant. Les bonnes idées naissent aussi autour de la machine à café, lors d’un repas, à l’occasion d’un afterwork, d’un séminaire, … Dans tous ces moments-là, le CPO doit être à l’écoute de ces débuts d’idées et encourager tous les collaborateurs de l’entreprise à s’exprimer et à proposer quelque chose. C’est sur ce premier point qu’on reconnait des CPO de qualité : ils sont capables de faire éclore des idées dans l’entreprise et ne sont pas les seuls à pouvoir les proposer eux-mêmes.
Une fois que cette idée aura germée et aura été travaillé, il devra l’accompagner dans différentes étapes :
- Présentation en Comité de Direction
- Alignement d’un Product Owner sur cette idée pour que celui-ci puisse se charger de sa conception
- Validation de la conception en collaboration avec les personnes impliquées
- Suivi du développement (via la Roadmap), de la mise en production et des impacts sur le business
Dans la majorité des organisations, le CPO se charge de réaliser une roadmap décidée sans lui ou dans laquelle il n’aura joué qu’un rôle mineur. Un grand CPO doit, à minima, prendre en charge toute la phase entre l’arrivée d’une idée et son éclosion en production. Pour créer encore plus d’impact sur l’entreprise et sa création de valeur, il doit même suivre ce que génère cette nouvelle fonctionnalité ou ce nouveau produit en production. C’est à ce prix qu’il apprendra ensuite à mieux trier les idées et à les exécuter encore plus rapidement, ce qui créera un cercle vertueux dans lequel il apprendra alors encore plus vite.
Connaitre son marché sur le bout des doigts
Le CPO doit être, avec le CMO, le membre du Comité de Direction qui connait le mieux son marché. Il doit être en lien étroit avec :
- ses clients pour comprendre leurs besoins, anticiper les périodes de renouvellement sur des contrats importants et prioriser les fonctionnalités qui vont créer le plus de valeur. Le CPO doit être capable d’accompagner les équipes Sales dans tous leurs RDV pour créer une vraie relation de confiance avec ses clients et anticiper leurs futurs besoins.
- ses utilisateurs pour cerner les fonctionnalités qui sont les plus importantes pour eux, détecter les points de blocage et les utiliser pour améliorer la notoriété du produit. Dans le cas d’un produit à forte audience (B2C ou B2B), le CPO doit être un expert pour faire parler la donnée générée par les utilisateurs : écouter quelques utilisateurs n’est pas forcément représentatif d’une tendance alors que compiler les données de milliers d’entre eux donne une vision plus précise de leurs attentes.
- les partenaires qui participent à la vie de certaines fonctionnalités pour s’assurer de la qualité du service rendu mais aussi de la qualité du contrat avec eux (un partenaire qui ne s’y retrouverait pas aurait peu de chance de donner son maximum pour faire réussir une fonctionnalité)
- ses concurrents pour savoir quelle stratégie ils suivent. Cette stratégie peut être différente de celle de sa propre entreprise mais le CPO doit être capable de la comprendre et d’apprécier les différences et leurs raisons. L’analyse de la concurrence doit aussi permettre de détecter de nouveaux business model et donc de pouvoir réagir rapidement en cas de rupture forte. Ainsi, un concurrent qui se met à offrir une des fonctionnalités clés de son offre pense s’y retrouver sur un autre aspect. Si les utilisateurs suivent cette logique, le marché peut être bouleversé. On l’a vu sur le marché du permis de conduire en ligne où la préparation au code de la route est devenu gratuite au fur et à mesure que la concurrence se développait, obligeant les acteurs historiques à se réinventer.
Le CPO est donc le "sparing partner" idéal lorsqu’une idée est en train de germer : avec sa connaissance du contexte, il peut rapprocher cette idée de tendances qu’il a déjà connues ou qu’il est en train de voir éclore. C’est aussi pour cette raison qu’un CPO a une courbe d’apprentissage d’un nouveau secteur différente et souvent plus lente de celui d’un autre C-Level. Néanmoins, des CPO expérimentés sont capables de prendre possession d’un nouveau contexte en quelques semaines en appliquant des process qui ont fonctionné précédemment.
Suivre les tendances sur ses équipes
Les équipes produit sont probablement celles qui ont vu le plus de transformation dans leur quotidien ces 15 dernières années. Les rôles ont régulièrement changé en passant de chef de produit à product manager en passant par product owner. Les Designers sont devenus des experts en expérience utilisateurs alors qu’ils servaient surtout à décider des couleurs il y a quelques années. Les réglementations comme la RGPD ou le RGAA (pour l’accessibilité) ont radicalement fait évoluer leur rôle pour les mettre au carrefour entre Tech, Marketing, Légal, … Les métiers de la Data et les opportunités que ces données génèrent ont aussi transformé la façon de comprendre les besoins des utilisateurs. Enfin, à l’heure où l’IA s’intègre de plus en plus dans le quotidien des utilisateurs, ce n’est plus uniquement le contenu qui compte mais surtout le service associé à ce contenu. Les méthodes de travail ont aussi considérablement évolué depuis l’introduction des méthodes Agile : de l’équipe classique avec 1 PO et quelques devs, on est passé à des squads pluridisciplinaires avec designers, expert data, growth hacking, spécialistes légaux, … Le métier du produit est plus que jamais à la confluence de toutes les avancées dans le monde de la Tech.
Pour tirer le maximum de son équipe, le CPO doit donc suivre ces tendances, former ses équipes, recruter de nouveaux types de profils avec de nouvelles compétences, revoir la façon de travailler de son équipe, … Changer son organisation et le faire évoluer sans cesse est donc une des prérogatives du CPO. Mais il doit aussi savoir quand attendre : comme pour les nouvelles technologies à la disposition du CTO, toutes les évolutions dans les métiers du produit ne sont pas transposables à son organisation actuelle. Être capable de faire le tri entre changements nécessaires à court terme et tendances à suivre sur le long terme est donc indispensable pour tout CPO. Cette veille doit donc être un des éléments clés de sa fiche de poste.
Tout comme le CTO, le rôle du CPO est en réalité plus vaste que ces quelques points. Un CEO doit donc attendre d’autres actions de la part de son CPO :
- Être le point de contact principal du CTO avec lequel il doit travailler main dans la main. Dans de plus en plus d’organisation, ces 2 rôles tendent même à être tenus par une seule personne pour des questions d’efficience dans les prises de décision
- Former des développeurs qui souhaiteraient évoluer vers un rôle plus orienté produit. C’est une excellente manière de conserver des développeurs historiques qui ont une grande connaissance du contexte de l’entreprise et qui ont envie de faire autre chose que du développement
- Orienter la stratégie Marketing grâce à sa connaissance fine du marché et, notamment, de ses utilisateurs et clients.
- Représenter la manière de mettre en place de la vision de l’entreprise auprès de nouveaux partenaires financiers
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